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Le Kinopanorama - Deux heures en URSS - Chptre 5

 
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LenKinap



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MessagePosté le: Mer 10 Aoû 2005 16:35    Sujet du message: Le Kinopanorama - Deux heures en URSS - Chptre 5 Répondre en citant

DEUX HEURES EN URSS
comme si vous y étiez !


1 - Comment est né "Deux heures en URSS"

Les Américains, en lançant le Cinerama puis le Cinemiracle, ont inventé un genre de programmes qu'ils baptisèrent "travelogue". En Français, on peut traduire cela par "documentaires de voyages". Qu'il s'agisse:

    - de "Place au Cinerama" (This is Cinerama),
    - des "Vacances en Cinerama" (Cinerama Holiday),
    - des "Sept merveilles du monde" (Seven Wonders of the World),
    - des "Aventures des mers du sud" (South Seas Adventure),
    - d'à "La recherche du Paradis" (Search for Paradise)
    - de la "Grande rencontre" (Windjammers)
...tous appartiennent à ce genre. Sous prétextes d'histoires futiles et un scénario très sommaire et surtout non narratif. "Place au Cinerama" n'est que ceci: on filme les plus beaux paysages, les attractions locales ou folkloriques des USA et de certains pays de l'Europe de l'Ouest (lire du bloc non communiste !). De vrais films scénarisés et donc narratifs arriveront en 1961, en Kinopanorama d'abord, avec "Tournants inattendus" inclus dans le programme KinoChoc.

Donc, au milieu des années 50, les Américains rencontrent un succès énorme avec "This is Cinerama". A la foire de Damascus de 1954, en Syrie, ils trustent le public avec une démonstration du Cinerama, avec une installation en plein air. Le pavillon de l'Union Soviétique, qui expose ses réalisations techniques et scientifiques, reste désespérément vide. Les Russes sont courroucés et décident de réagir très vite. De plus, "This is Cinerama" est ce que l'on peut considérer comme un film de propagande sur le mode de vie occidental et les soviétiques se disent que de faire la même chose pour vanter leur mode de vie socialiste serait une bonne affaire.



Première caméra Kinopanorama KINAP SKP-1


Il est évident que de l'espionnage a eu lieu pour la réalisation du Kinopanorma, mais les américains avaient -sans le reconnaître - pris beaucoup d'idées à Abel Gance et à André Debrie pour réaliser leur procédé. Le projet Kinopanorama est dirigé par le Professeur E M Goldovskii, pour la partie optique et par B G Belkin et A A Hrushev pour le système sonore. La NIKFI est largement mise à contribution et les usines cinématographiques KINAP réaliseront l'équipement. La caméra exposée à Damascus est soigneusement étudiée par des techniciens russes et d'autres font de fréquents voyages au Casino Cinerama de Londres pour voir comment cela fonctionne et prendre tous les renseignements utiles. Ils veulent donc leur "Russo-Cinerama", mais en faire encore plus, encore mieux et toujours plus impressionnant. Ils sont prêts en 1957-58, avec l'ouverture du Mir de Moscou, puis du Leningrad Kinopanorma. Leur premier film est "Vaste est mon Pays" (Sheyroka Strana Moya Rodnaya), exacte reproduction sur le principe de "This is Cinerama"; prises de vues spectaculaires, son de très haute qualité et propagande pour le mode de vie soviétique. Ce film est présenté dans le cadre de la Foire Internationale de Bruxelles, dans le pavillon soviétique, en 1958. Le film remporte un énorme succès public et critique; le procédé se voit décerné une médaille d'or pour sa réalisation technique. C'est la revanche des Russes par rapport à Damascus et en plus ils présentent leurs réalisations spatiales... Sacrée guerre froide et là, ce sont les américains qui sont vexés. A la fin de l'exposition, l'installation est mise en place à Paris et JP Mauclaire est parti avant en URSS pour monter et doubler un programme qui pourrait convenir au public Français.



Le pavillon de l'URSS à Bruxelles en 1958-Crédit Photo Expo 58


a - Vaste est mon Pays.

Il s'agit du tout premier film réalisé en Kinopanorama triple écran. Le tournage a eu lieu entre 1956 et 1957 aux endroits grandioses, pittoresques ou touristiques de villes comme Moscou, St Petersbourg (alors nommée Leningrad), Bakou (Azerbaïdjan avec sa cité fortifiée, le palais des Chahs de Chirvan et la tour de la Vierge), Samara (alors nommée Kuibyshev). Certains plans ont lieu en Mer Noire, sur les Monts Elbrus, au long du fleuve Neva et de ses célèbres eaux vertes. D'autres scènes font découvrir d'autres régions de l'immense URSS, comme la Sibérie, l'Ukraine, . Il y a aussi des scènes de vie des travailleurs, comme à bord du chalutier Volga ou dans l'immense complexe sidérurgique qu'est Magnitogorsk en Oural (ville construite de toute pièce par les prisonniers de Staline entre 1929 et 1934) ou encore les ouvriers et le gisement de pétrole en mer en mer Caspienne. Le script reprend donc, trait pour trait, le concept de "This is Cinerama"; les Rocheuses sont remplacées par les Monts Ebrus, la scène des bateaux du "Cypres garden" par les courses de canots automoteurs, il y a des vues aériennes spectaculaires, etc.. Tout comme les Américains, les cadreurs soviétiques utilisent beaucoup la technique des plans Point De Vue (PDV en français, POV shots en anglais)); c'est lorsque le plan est censé représenter la vision d'un personnage (subjectivité). La célèbre scène tirée de "Guerre et Paix - Natacha" avec la vision du loup chassé en est un bon exemple. Parmi ces plans PDV on note des vues d'avions prenant au loin des crêtes du Caucase, des plans réalisés en voitures, la caméra remplaçant le passager et montrant ce "qu'il" voit le long des routes. Le film s'ouvre sur un vrai plan triptyque (un vrai, comme dans Napoléon de Gance!) avec un train électrique qui défile à grande vitesse sur l'écran central et chaque écran latéral représentent des voitures circulant dans des directions concentriques. Le film se conclut avec la séquence du sixième Festival de la Jeunesse et des Etudiants qui s'est tenu à l'Université Lénine en 1957, à Moscou.



L'écran et le public du Mir de Moscou


Le film est présenté en avant- première à Moscou le 28 février 1958 au théâtre Mir (Théâtre de la Paix), spécialement construit pour l'utilisation du procédé, puis Leningrad et Kiev. Les USA virent ce film, édité et monté façon "Deux heures en URSS", au Mayfair en 1959; c'était dans le cadre d'échanges culturels russo-américains, pendant une période de dégel !



Couverture du programme du Mayfair


La troïka dans la périphérie de Moscou


Les bûcherons débardent des bois sur le fleuve

Techniquement, le film est tourné ainsi:
    - Procédé couleur: SovColor (matériel SVEMA),
    - Durée: 90 minutes,
    - Studios: Studios Populaires Des Films Scientifiques (Moscou), département de MosFilm.
    - Producteur et réalisateur: Roman Karmen
    - Co-réalisateur: Z Feldman
    - Script - Scénario: E Dolmatovsky, Roman Karmen
    - Opérateurs caméra : Sergey Medynsky, V Ryklin, Georgy Kholny
    - Ingénieur du son: Kirill Bek-Nazarov
    - Musique originale: Kirill Molchanov, Viktor Knushevitsky
    - Voix-Off Française: Axel Selzelmann (Radio Moscou)

b - Le miroir enchanté

M. Mauclaire dispose maintenant d'un second film tourné en 1958 "Le miroir enchanté" (Volshevnoye Zerkalo).Ce film est divisé en quatre parties, précédées par de petits dessins animés (unique en procédé triple), filmés aux studios Soyuzmultifilm.

La première partie comporte:
    - Une scène polaire stupéfiante,
    - la visite à un scientifique soviétique de la station établie sur une banquise de glace,
    - une excursion de la forêt sibérienne de la Taïga où les bûcherons et débardeurs sont au travail,
    - une visite à station hydroélectrique de Bratsk en Sibérie.
    - un plan rapproché d'une troïka russe [ un traîneau de trois-chevaux ] cheminant le long d'une route de campagne enneigée.

La seconde partie est ainsi constituée:
    - Un ballet, celui du Bolchoï, avec Galina Ulanova [ 1910-1998 ] exécute les rôles de cygne blanc et noir, danse le "Lac des cygnes" de Tchaïkovski,
    - le chanteur ukrainien, Galina Oleinichenko, chante accompagné par un orchestre jouant sur des instruments traditionnels.

La troisième partie sort d'URSS pour aller en Chine:
    - Outre de magnifiques plans de paysages, on voit des ouvriers construisant le réservoir de Shisanalinsk,
    - une scène d'opéra est filmée par l'Opéra Classique de Pékin.

La quatrième partie comprend une excursion de la foire mondiale 1958 de Bruxelles et encore des scènes de danse et de chœurs. Si je décris longuement ce film, c'est que c'est le moins ponctionné pour le programme "Deux heures en URSS", sauf la course de reines.



Course de reines en Sibérie


Techniquement, le film est tourné ainsi:
    - Procédé couleur: SovColor (matériel SVEMA),
    - Durée: 140 minutes,
    - Studios: Studios centraux des films documentaires [TSSDF Moscou], département de MosFilm.
    - Producteur et réalisateur: A. Aksenchuk, V Komissarzkhevskiy, L Kristi
    - Animation : l Milchin, I Shvarzman, un Vinokurov, T Sazonova
    - Opérateurs caméra : Illya Gutman, Anatoly Koloshin, Sergei Medynsky, Vladimir Vorontsov
    - Opérateurs animation: A Astafiev, N Klimova
    - Ingénieur du son: I Gunger
    - Musique: Divers compositeurs Russes et Chinois
    - Voix-Off Française: Axel Selzelmann (Radio Moscou)


Avec les deux premiers films réalisés, qui représentent 250 minutes, un choix des plans les plus spectaculaires tout en donnant à l'ensemble une homogénéité convenable. JP Mauclaire se lance dans le montage d'un programme qu'il nomme "Deux heures en URSS", sous-titré "comme si vous y étiez !". Il ajoute un prologue en 35mm standard sur l'Union Soviétique d'avant la révolution, comme l'on fait les Américains avec leur film. Il fait doubler les parties voies-off par les animateurs de Radio Moscou (antenne Française). Les tirages sont faits à Mosfilm sur matériel SVEMA/ORWO, réputé pour ne pas virer.

2 - Le lancement et la critique face à "Deux heures en URSS"


Première affiche pour le film (en AF) - La Troïka


Les quelques mois qui précèdent l'ouverture de la salle et la première du film sont mis à profit pour faire une publicité que l'on peut qualifier de grandiose. La salle du Kinopanorama étant située dans une zone géographique peu usitée pour le cinéma, JP Mauclaire dit clairement "qu'il faut y mettre le paquet et partout". Il est aidé en cela par son très bon relationnel avec le monde du cinéma, par sa possession journaux comme "Cinémonde", "Paris Hollywood", "La semaine à Paris". Sa Société créée pour exploiter le Kinopanorama, la DIC, a une structure "public-relation" assez imposante. Rien n'est laissé au hasard; les Champs Elysées et d'autres lieux se voient placardés d'affiches géantes de Troïka ou de Moscou, les journaux sont arrosés de publicités et d'articles publi-redactionnels (dont un de Georges Cravenne, qui deviendra célèbre pour les Césars). La location s'ouvre à la salle et dans les agences trois mois avant et il faut s'y prendre plusieurs semaines à l'avance pour obtenir un billet. Le succès s'annonce grandiose, il le sera. La critique de la presse, même celle dite de droite, est même bonne; c'est assez rare pour le signaler, celle du Cinerama était en règle générale mauvaise. Je vais en citer quelques-unes:



Seconde affiche (en NF) - La cathédrale Basile le Bienheureux


Le grand France-Soir de l'époque écrit que "c'est un voyage captivant en Union Soviétique. Ce film exceptionnel donne aux spectateurs l'impression qu'eux-mêmes participent à tout ce qui se passe sur l'écran. Il faut voir ce film, aucun écran ne nous offre rien d'équivalent". Le Parisien Libéré écrit "c'était un voyage en Russie d'un grand intérêt. Impossible de raconter toutes les impressions qu'il vous laisse". L'Humanité a écrit que « le film faisait connaître aux spectateurs un pays gigantesque où vivent des géants. Vous voyagez dans un pays merveilleux, vous voyez combien il est immense, fort et puissant". Seule ombre au tableau, un critique resté anonyme pour moi (c'est le style Bazin, mais???), reproche que les effets sonores sont trop forts, mais il souligne"que ce premier [film en] Kinopanorama n'atteint pas l'idiotie de l'actuel Cinerama, que certaines images ont de l'allure comme l'entrée dans l'immense combinat de Magnitogorsk, la promenade à bride abattue en troïka, le convoi de bois sur l'eau. On rêve au magnifique western que Ford ou Dojveko auraient pu réaliser !"



La médaille d'or reçue à Bruxelles en 1958


Le public - lui - suit les critiques et réserve un accueil phénoménal au film, le classant second au box-office, après les films de fiction. Ce ne sont pas moins de 627 284 spectateurs qui auront vu le film à sa première diffusion, plus de 800 000 en comptant les reprises et les festivals qui suivirent jusqu'à la fin de 1963.

A bientôt pour "Un Français à Moscou".

Crédits Photographiques: Association Triple Ecran, sauf indication contraire DR - Reproduction interdite

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tupeutla



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MessagePosté le: Jeu 11 Aoû 2005 6:57    Sujet du message: Répondre en citant

Il ajoute un prologue en 35mm standard sur l'Union Soviétique d'avant la révolution.

Le grand intérêt du prologue :

La dernière scène du petit film 35 mm représente la Neva (en noir et blanc, si mes souvenirs sont fidèles) sur cette minuscule surface de projection qui doit faire à peu près 1/8 de la totalité de l'écran.

Soudain, les rideaux s'écartent silencieusement et l'on se retrouve, sans transition, au milieu de la Neva sur l'immense écran illuminé par les 3 projecteurs. Le son est gigantesque, l'image est enveloppante. On en oublie la séparation (discrète) des 3 écrans.

A cet instant, le public a poussé un "oooh !" d'étonnement. Mon père et moi étions fascinés. J'avais 11 ans et c'était comme si c'était hier...
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LenKinap



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MessagePosté le: Jeu 11 Aoû 2005 9:18    Sujet du message: Répondre en citant

tupeutla a écrit:
Il ajoute un prologue en 35mm standard sur l'Union Soviétique d'avant la révolution.

Le grand intérêt du prologue :

La dernière scène du petit film 35 mm représente la Neva (en noir et blanc, si mes souvenirs sont fidèles) sur cette minuscule surface de projection qui doit faire à peu près 1/8 de la totalité de l'écran.

Soudain, les rideaux s'écartent silencieusement et l'on se retrouve, sans transition, au milieu de la Neva sur l'immense écran illuminé par les 3 projecteurs. Le son est gigantesque, l'image est enveloppante. On en oublie la séparation (discrète) des 3 écrans.

A cet instant, le public a poussé un "oooh !" d'étonnement. Mon père et moi étions fascinés. J'avais 11 ans et c'était comme si c'était hier...


Bonjour,

C'est l'un des prologues, en N&B effectivement, qui a existé. Sur un autre montage que nous avons à l'Association, c'est le triptyque du train+voitures de "Vaste est mon Pays", démarrant par un plan "ancien", en N&B aussi, de ce train et le système triple écran se mettait en route avec les plans des voitures. Le prologue était présenté masqué à 1.33:1 et les rideaux plus les masques s'ouvraient assez rapidement au format Kinopanorama. J'ai les même remarques que vous sur les réactions du public, même en période "Festival" qui caractérise la fin d'exploitation du procédé. Le public était pourtant déjà habitué au Cinerama et avait probablement vu certains des films en Kinopanorama. Cela reste en mémoire et c'était un sacré spectacle qui, pour moi, laisse l'IMAX/OMNIMAX loin, mais loin !!!! Wink
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tupeutla



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MessagePosté le: Jeu 11 Aoû 2005 9:38    Sujet du message: Répondre en citant

LenKinap a écrit:
Cela reste en mémoire et c'était un sacré spectacle qui, pour moi, laisse l'IMAX/OMNIMAX loin, mais loin !!!! Wink


Tout à fait d'accord : aucune comparaison.
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