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[Flash Back 1988] - Interview de P. Pinton

 
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LenKinap



Inscrit le: 17 Déc 2002
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MessagePosté le: Ven 20 Aoû 2004 15:43    Sujet du message: [Flash Back 1988] - Interview de P. Pinton Répondre en citant

De Monique GIRARD (Ecole Supérieure de Journalisme - 1988)

A ma connaissance, cet article n'a jamais été publié.

GÉANT
LE KINOPANORAMA
:
un cinéma pas comme les autres


Pierre Pinton en cabine - 1988

Géant par son écran, sa place : la première parmi les salles Parisiennes, pour M. LEOTARD, ministre de la Culture, il est l'exemple dans la crise que traverse le cinéma. Son directeur, M. PINTON, nous explique le secret de sa réussite., lors d'un entretien exclusif.

- M.Pinton (MP). - Je ne suis pas un homme de cinéma, j'ai toujours été dans l'industrie. J'ai construit un immeuble et réaménagé une salle moderne. Je ne m'en suis pas occupé pendant vingt ans, je l'ai louée à des circuits, cela a été un fiasco total (1). Je suis d'une nature curieuse et j'aime la recherche inventive. Ce qui m'a intéressé ici, c'était de construire cet instrument de travail en faisant un écran de 24 mètres. J'en ai profité pour m'attacher à la qualité du son et cela a été mon dada. J'ai installé tout ce qu'il y avait de mieux, tout le temps, étant toujours en avance, et je viens encore de refaire une installation de soixante millions, innovation technique faite par des ingénieurs.

- Monique Girard (MG).- VOUS CONSIDÉREZ-VOUS COMME UN PRÉCURSEUR?

- M.P. - Non, il est dans ma nature, même si je n'aime pas la chose que je fais de la faire au maximum. Je n'aime pas le cinéma particulièrement. Quand j'ai pris cette salle en main, je me suis fixé un poteau d'arrivée, maintenant que j'y suis arrivé, je m'ennuie. J'ai toujours été comme cela dans tous les métiers que j'ai fait (2).

- M.G.- QUELS SONT VOS PROJETS?

- M. P. - A 82 ans on n'a plus de projet.

- M.G. - QU'ENTENDEZ-VOUS PAR INNOVATION TECHNIQUE?

-M.P. - Ici chaque haut-parleur a son amplificateur, cela fait soixante dix huit hauts-parleurs. Cela permet des réglages extrêmement pointus. Il y a une réserve sonore énorme, pas de distorsion puisque les amplificateurs travaillent au ralenti (3).

- M.G. - COMMENT VOUS SITUEZ-VOUS PAR RAPPORT AUX SYSTÈMES IMAX ET OMNIMAX QUI PROJETTENT L'IMAGE SUR UNE QUASI-DEMISPHERE AUTOUR DU SPECTATEUR?

- M.P. - Le défilement est tout-à-fait différent, on ne pourra jamais faire de grands films avec ces systèmes lourds et complexes, seulement de petites séquences d'un quart d'heure, vingt minutes, une demi-heure. C'est valable seulement dans un endroit où il y a énormément de passage (foires, parcs d'attraction), cela coûte extrêmement cher. Le 70 mm à défilement vertical donne une image de très bonne définition pour la projection traditionnelle.

- M.G. - LA BAISSE DE FRÉQUENTATION ACTUELLE DES SALLES DE CINÉMA VOUS AFFECTE T'ELLE ?

- M.P. - J'ai perdu cette année une centaine de milliers d'entrées, moins que les autres, mais cela fait mal (4). Il n'y avait pratiquement pas de film à grand spectacle valable à part "PLATOON". Tout le monde a souffert de ce manque de films, surtout les spécialistes comme moi, de films à grand spectacle. Je ne peux passer que les films américains. Les films 35 mm ne marchent pas ici. La clientèle boude les films Français. Nous sommes au commencement d'une crise. Je pense qu'elle va s'approfondir et durer deux ans comme en Amérique. A l'échelle de deux ans, la moitié des salles seront fermées ou résisteront.
On revient aux grandes salles actuellement, on essaie de me copier. Voyez le "Forum" ou le "Max Linder", Gaumont qui n'a pas obtenu le succès escompté avec ses "Ramas". On va probablement être envahi par le film américain.
Il se produit dans le cinéma le même phénomène que dans l'industrie où l'on a marché très fort. On a construit des usines beaucoup trop puissantes, en croyant que la consommation allait éternellement progresser et aujourd'hui on est forcé de débaucher. Si toutes les usines marchaient à fond, il y aurait surproduction. L'ensemble du cinéma va plonger il revivra après s'être restructuré comme toute chose est obligée d'évoluer. Il faudra créer d'autres bases. Le cinéma n'est plus viable en l'état.


- M.G. A QUOI EST DUE LA BAISSE DE FRÉQUENTATION DES SALLES?

- M.P. A beaucoup de choses, notamment l'arrivée d'une quantité de films à la télévision et aussi parce que les français n'ont été capables qu'exceptionnellement de faire un film qui intéresse vraiment le public. Il y a aussi la vidéo et puis les erreurs du métier. De trop petites salles qui ignoraient la qualité de l'image et du son, des copies rayées, défectueuses, un défaut de réception, d'accueil du public. Ici il y a des files d'attente épouvantables, je ne peux rien faire. L'hiver je faisais distribuer du café, mais tous les bistros du coin se sont ligués contre moi pour que je distribue les cafés que dans la largeur du cinéma. C'est stupide car ils vivent tous du KINO.
Pour combattre l'impact de la télévision, il faut faire des salles comme ici, avec une acoustique et une technicité parfaites. On peut approcher la perfection du KINO, mais on aura du mal à l`égaler, car ici nous sommes proches de la perfection.


-M. G. - VOTRE CLIENTÈLE EST-ELLE ESSENTIELLEMENT POPULAIRE ?

- M.P. - Beaucoup de personnalités viennent ici, je ne suis pas là pour les répertorier. Le Président Mitterrand est venu avec son état-major. Avant-hier le plus gros producteur américain a fait téléphoner sa secrétaire pour retenir deux places car il voulait voir le KINOPANORAMA.
J'ai été invité à Los Angeles par tous les plus grands du Cinéma et j'ai été étonné de la réputation du KINO parmi ces grands professionnels. Beaucoup de gens se sont déplacés lors de mes sorties dans les restaurants d'HOLLYWOOD pour me témoigner leur admiration. J'ai fait cela comme j'aurais perfectionné une machine-outil ou autre chose, pour en tirer la quintessence, c'est dans cet état d'esprit.


- M.G. - QUELLE EST LA RECETTE DE VOTRE SUCCÈS?

- M.P. - Une très grande image, belle qualité de musique. Je ne suis pas à un emplacement de passage. J'ai une clientèle fidèle de parisiens et provinciaux aussi. Je suis devenu comme les Folies Bergères, plusieurs agences veulent m'incorporer dans leurs circuits. Je reçois des cars de Japonais.

- M.G. - RECEVEZ-VOUS DES AIDES DE L'ÉTAT?

- M.P. - Non, ce serait scandaleux avec le chiffre que je fais. Mais l'aide au cinéma entre pour 13,5 % dans le prix du billet. Cet argent va au Centre National. Il est normal d'aider la recherche ou certains films de petite audience, mais il y a des erreurs profondes dans la répartition des aides. Ainsi l'on a subventionné de gros films qui n'en avaient nul besoin, c'est autant qui n'a pas profité à de petites salles.

- M.G. - L'EQUIVALENT DE VOTRE SALLE EXISTE T'IL AU JAPON OU AUX ETATS-UNIS?

- M.P. - A Tokyo existe une salle selon la même technique que la mienne (5). Aux États-Unis mon opérateur qui voit les meilleures salles me dit que ce n'est pas brillant. L'un des meilleurs acousticiens américains est venu ici et m'a dit : "Vous ne pouvez pas faire mieux, ne touchez-plus à rien."

- M. G. - ÊTES-VOUS UNE RÉFÉRENCE SUR LE PLAN MONDIAL?

- M. P. - Oui dans l'ensemble les salles américaines n'ont pas fatalement la même qualité qu'ici, elles sont plus grandes, jusqu'à 2500 places et produisent des échos.

- M .G. - QUELLE EST LA PLACE DU PROJECTIONNISTE-OPERATEUR?

- M. P. - Vous posez un problème très important. J'ai depuis seize ans le même projectionniste qui est un très bon opérateur, passionné de cinéma. Il travaille ici six mois par an car il est responsable du Festival de Cannes, d'Avoriaz, Biarritz, Deauville. Ses nombreuses responsabilités le rendent indisponible. Il a trouvé son remplaçant pour le KINO un jeune américain ingénieur en électronique passionné lui aussi. Il aime le KINO, il est heureux.

- M.G. - QUELLES SONT LES QUALITÉS D'UN PROJECTIONNISTE?

- M.P. - Il doit s'attacher à la qualité de l'image, faire le point sans arrêt, du son, différent en fonction des enregistrements. Chaque nouveau film demande de refaire tous les réglages de la salle : 63 installations. La salle est équipée d'une installation à lampes qui vient d'être remise en état et que l'on garde pour les films extrêmement fins car la lampe est meilleure que le transistor. Il y manquait une série de lampes redresseuses que mon jeune opérateur américain a réussi à se procurer à la N.A.S.A.!!!


Amplis à lampes Kinap 51U9 et Stanford 60 + Filtres EV-1(ambiances) - 1988
L'installation à tubes n'était plus franchement fonctionnelle (cherchez les tubes de la baie de droite !) et déjà dépouillée de certains racks

- M.G. - COMBIEN COÛTE UN PROJECTIONNISTE?

- M.P. Les tarifs ne sont pas très élevés, mais ici ils font tellement d'heures supplémentaires qu'ils dépassent 10000F par mois.

- AVEZ-VOUS DES DIFFICULTÉS DE PROGRAMMATION OU DE GESTION?

- M.P. - L'année dernière, avec plus de 450.000 entrées, je n'étais pas loin de la saturation de la salle. Je suis en première position en France depuis 4 ou 5 ans, dès qu'un film est valable on me le propose. La difficulté est créée par les distributeurs qui se font une concurrence idiote entre eux par le jeu des sorties de film, pour ennuyer l'autre. Ils se nuisent mutuellement et c'est le public que l'on ennuie car il y a quelque fois des creux de deux ou trois mois sans bon film et quelque fois pléthore de films en même temps. Je leur ai fait ce reproche. Ils y viendront ou il crèveront. La situation financière est saine chez moi, car je ne confonds pas recette et bénéfice, j'ai l'expérience des dents de scie de l'existence. J'ai été en difficulté trois fois (crise de 30, guerres, etc....)
Beaucoup d'exploitants de salles vivent au-dessus de leur possibilité et ne paient plus les films aux gros distributeurs cela est grave.


-M.G. - QUELS RAPPORTS ENTRETENEZ-VOUS AVEC LES DISTRIBUTEURS?

- M.P. - Je ne signe pratiquement plus de contrats avec les maisons. Quand je dis O.K.., c'est O.K.. on me croit sur parole et l'on me fait des fleurs pour que je prenne un film. Moi je dis : "Je prends" bien sûr, je lâche à 5000 entrées si le film ne marche pas.
Que vous ayez un contrat oral ou écrit, si l'un des deux parties est de mauvaise foi, cela revient au même. Mais dans le métier, ils ont raison de faire des contrats car les relations ne sont pas brillantes.


-M.G. - COMBIEN FAUT-IL D'ENTRÉES POUR RENTABILISER UN FILM?

- M.P. - Chez moi 20.000 entrées pour rembourser le film au distributeur. Un film 70 mm revient entre 12 et 14 millions il arrive que je le rentabilise en une semaine.

- M.G.- LES AUTRES SALLES?

- M.P. - Pendant longtemps en 70 mm il n'y a eu que moi. Le Gaumont-Champs s'est écroulé, je ne comprends pas pourquoi. Le Forum me talonne, mais malgré cela, je suis le premier. Les chiffres du dimanche soir

- KINOPANORAMA 7976 entrées
- MAX LINDER 3700 entrées
- PUBLICIS 3200 entrées

Le décalage est énorme !


-M.G. -EST-IL IMPORTANT D'AVOIR DES OSCARS, DES CÉSARS, D'ETRE PRIME A CANNES POUR UN FILM?

- M.P. - C'est devenu un peu bidon. Cannes est forcé d'être partial car il faut récompenser tous les pays qui viennent. C'est un palmarès diplomatique. Pour beaucoup c'est une fête, moi je m'y ennuie. Les films sont trop intellectuels. Le cinéma n'est pas un spectacle pour grand intellectuel.


Crédit photographique: © Fonds Triple Ecran DR
Crédit texte: © Monique Girard / ESJ DR
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LenKinap



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MessagePosté le: Sam 21 Aoû 2004 10:19    Sujet du message: Interview de P. Pinton - Notes Répondre en citant

1) - Géré tout d'abord par la D.I.C. de JP Mauclaire et successeurs(triple et 70mm soviétique) de 1959 à 1968, puis par Parafrance [Sirisky] d'octobre 1968 à janvier 1969 . Arrivée de Cinerama [Silvara] fin janvier 1969 puis d'UGC-UFIDEX [Verrechia] de juillet 1970 jusqu'en mars 1974. Reprise en main par P. Pinton à partir du 20 mars 1974, avec P. Hani (publicité) et R. Bassi (programmation et technique pour quelques mois).

2) A fait effectivement 36 métiers ! Gérant d'une chaine de salon de toilettage pour chiens, magasin de disques de jazz, usine de mécanique de précision, exploitant agricole, coureur automobile, etc.

3) Article écrit au moment de la mise en service du STS. Seules les voies écran avaient reçu le système, les ambiances D/G restaient traitées par des amplificateurs classiques Stanford 60 associés à des filtres EV. Le tout était envoyé sur des enceintes soviétiques Kinap.

4) Diminution largement expliquée par trois semaines de fermeture et peu de films porteurs.

5) Un peu limité ... De nombreuses salles existaient encore aux USA, en Europe et même en URSS (le cinema "Russie" de Moscou par ex.)
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