Silver Screens - la passion des salles de cinéma

Le Point sur les Salles

On avait du mérite à devenir cinéphile dans le Paris de la fin des années soixante-dix, alors que la transformation de la plupart de nos grandes salles en complexes venait de s'achever.

L'exploitation était segmentée:

  • le quartier latin (essentiellement mini-cinémas proposant des films d'art et essai en v.o. sur un, deux ou trois petits écrans, ainsi que de petits complexes UGC et Pathé).

  • les Champs Elysées (grandes salles divisées en complexes de trois à six salles, dont au moins une grande, et quelques salles uniques de taille moyenne, programmation en v.o. de films grand-public).

  • les grands quartiers populaires -Grands Boulevards/Opéra, Place Clichy- (souvent similaires aux complexes des Champs-Elysées, avec quelques superbes vaisseaux tels que le Grand Rex et ses 2800 fauteuils ou la grande salle du Paramount, mais programmation en v.f.).

  • les quartiers à clientèle de proximité -Alésia, Convention, 16 ème arrondissement, Gobelins...- (complexes de taille plus modeste, programmation en v.f.).

  • la banlieue; surtout des complexes, obtenus par la division de grandes salles dans des villes comme Versailles, Enghien, ou de taille plus réduite à Nogent/Marne ou Villeneuve St Georges (le cinéma de mon enfance...), ou construits de toutes pièces à proximité de grands centres commerciaux (Créteil, Noisy le Grand, Rosny sous Bois, Evry, Les Ulis...).

Boulogne - Grande Salle Gaumont Ouest Boulogne. La grande salle est correcte, avec son écran de dix mètres
Le même Gaumont Ouest, une salle moyenne. Sans commentaires! Le complexe de sept salles, ouvert en 1981, n'a jamais atteint son dixième anniversaire. Boulogne - Salle Moyenne

Exploitation devait rimer avec efficacité commerciale (je ne sais pas comment cela est possible...), les conditions de projection n'étaient alors qu'un concept, et la multiplication de mini-salles, aux écrans ridiculement petits (on parlait alors d'écrans "timbre-poste" ou encore "mouchoir de poche"), à l'isolation sonore bâclée (on entendait distinctement le son des films des salles voisines), à l'accueil "à la française", et à la quasi-obligation de laisser une pièce à l'ouvreuse qui ne daignait pas toujours se rendre jusqu'à la salle, mais n'oubliait pas d'engueuler celui qui ne lui laissait rien. La phrase la plus souvent entendue était "Elle est petite, cette salle!"; la vision d'un film en salle perdait sa magie, les gens en arrivaient à regretter de ne pas être restés devant leur téléviseur.

L'entretien des salles laissait parfois à désirer. Les fauteuils marron étaient usés, voire défoncés, les moquettes trouées, les écrans défraîchis.

Et quant à la décoration de ces lieux, rappelons simplement qu'on était en plein dans les années soixante-dix. L'aluminium et la couleur orange étaient souvent à l'honneur à l'extérieur, l'orange, le vert pomme, le mauve et le marron foncé étaient rois à l'intérieur des salles; le bon goût, en fait.

Sans entrer dans les détails, la prise de conscience a débuté petit à petit dans les années quatre-vingt. Jean-Jacques Zilbermann et ses amis ont repris l'Escurial et l'ont doté d'un bel écran courbe de dix mètres, du Dolby et de la possibilité de passer du 70 mm, avant d'appliquer cette recette - à plus grande échelle - au Max Linder (anciennement Parafrance).

De son côté, Jean-Pierre Lemoine, qui avait "commis" une chose immonde baptisée du doux nom "Forum Orient Express", impressionna tout le public en créant le Forum Horizon, magnifique complexe de six salles, dont cinq en Dolby, quatre grands écrans, une salle en THX (le procédé était exceptionnel en France; il l'est toujours, malheureusement), où les cinéphiles se devaient de venir voir les films à grand spectacle.

Ces dernières années, le Dolby s'est généralisé (UGC est le seul grand circuit à encore imposer du son mono dans certaines de ses salles), de nombreuses salles ont vu leurs écrans s'élargir, parfois en creusant le sous-sol pour augmenter le volume disponible), voire le cas de la destruction de la cloison séparant les salles 3 et 4 du Gaumont Marignan (anciennement Pathé Marignan) pour créer une belle salle de quatre-cents fauteuils. UGC a créé le label "UGC Prestige", Gaumont le "Gaumontrama", puis le superbe "Grand Ecran".

Et une partie des nouveaux complexes sont plus grands (on les rebaptise alors multiplexes, ou mégaplexes), plus beaux, et bannissent - presque - totalement les écrans minuscules.

Gaumont Disney
Le Gaumont Disney Village, près de chez Mickey

L'UGC Ciné Cité des Halles, avec ses dix-neuf écrans, est devenu le second cinéma de France par sa fréquentation, précipitant la désertification des salles du quartier latin, le Pathé Wepler et le Gaumont Parnasse, chacun avec douze écrans, attirent un public nombreux dès le matin, ainsi que l'UGC Ciné Cité Bercy qui connaît maintenant un grand succès, alors que des complexes anciens tels que le Gaumont Marignan, l'UGC Normandie et le Paramount Opéra, qui ont su se rénover, conservent leur public.

En banlieue, le Pathé Belle-Epine et l'UCG Ciné Cité de Rosny font un tabac, tout comme le Gaumont de Disney Village et le Mégarama que Jean-Pierre Lemoine (celui du Forum Horizon) a ouvert à Villeneuve La Garenne, malgré des débuts laborieux. Ces quatre multiplexes ont en commun des travaux d'agrandissement (plusieurs salles ajoutées à Rosny, Belle-Epine et chez Mickey, et une seule salle, immense, ajoutée au Mégarama). Un peu plus petits, le Gaumont de Saint-Denis et l'UGC Ciné Cité Marne-la-Vallée/Noisy-le-Grand (né de l'agrandissement de l'ancien Artel) cherchent encore leur public. Sur Paris, un petit dernier: le MK2 Bibliothèque, premier multiplexe de l'indépendant qui n'en finit pas de grossir, met en danger les derniers cinémas classiques du treizième arrondissement (la fermeture du Gaumont Gobelins Rodin en témoigne), tandis que de l'autre côté du périph, Pathé a ouvert un multiplexe à Ivry, dont le succès vient petit à petit (Bercy, Bibliothèque, Ivry, trois multiplexes très voisins sur un territoire "neuf").

Prochains changements sur la Région Parisienne :

A Paris, la mairie veut bien de nouvelles tours, mais toutes les créations de multiplexes sont gelées; un seul multiplexe en vue, donc, même si son projet n'en finit pas de prendre du retard: le Grand Rex se verrait soutenu par un multiplexe, construit à partir du volume des petites salles actuelles et dans un bâtiment adjacent; la rivalité entre la direction du cinéma et la mairie du deuxième arrondissement n'arrête pas de rebondir... Du côté de MK2, pas de multiplexe en vue, mais l'ajout de six nouvelles salles au MK2 Quai de Seine, situées dans le bâtiment déjà existant sur l'autre rive du canal. Ailleurs dans la capitale, l'heure est plutôt aux fermetures; UGC d'un côté, et Euro-Palaces (Gaumont-Pathé) de l'autre, veulent faire des économies, ce qui n'augure rien de bon pour les complexes traditionnels. En 2002, c'est le Kinopanorama qui aura ouvert le sinistre bal (comment a-t-on pu laisser faire cela?); en 2003, le Gobelin Gobelin Rodin lui emboîte le pas; d'autres suivront...

En banlieue parisienne, AMC et Kinepolis ayant été définitivement exclus (dommage, ils auraient pu apporter de nouvelles idées), UGC et Euro-Palaces se répartissent les nouvelles salles, CGR jouant parfois le rôle de troisième homme. Après plusieurs années de retard, l'Artel de Créteil, qui se trouvait dans un piteux état, a été démoli; il sera remplacé par un UGC Ciné Cité de douze salles sur trois niveaux; de la même façon, les UGC Aulnay et la Défense devraient être remplacés prochainement par des multiplexes. En grande banlieue sud, après l'abandon du projet de Corbeil par UGC, Gaumont à Lieusaint et CGR avec son MegaCGR à Evry se concurrencent; en grande banlieue nord, UGC a ouvert son UGC Ciné Cité Corbeil, en gardant son complexe de centre-ville.

Houston AMC 30 Houston AMC 30. Un monstre de 30 salles! On peut appeller cela un "hypermarché du cinéma". Tout est cependant misé sur l'accueil et les conditions de projection. Un palace de l'an 2000?

 

 

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