"Les vaches maigres - En attendant "Guerre et Paix"
1 - En attendant Guerre et Paix.
JP Mauclaire avait, je rappelle, re-signé avec P. Pinton un contrat courant jusqu'au 10 octobre 1968 pour assurer la sortie et l'exploitation d'un film qui s'annonce grandiose par son ampleur: "Guerre et Paix" (Voyna i Mir) de S. Bondartchouk. Ce réalisateur est déjà reconnu en France pour son film "Le destin d'un Homme" et l'URSS décide de mettre ce qu'il faut pour restituer sur film une de leurs plus grandes oeuvres littéraires de Léon Tolstoï. Le film est étudié, découpé, partiellement scénarisé dés 1961. Tous les moyens de MosFilm sont mis à la disposition du réalisateur et de son équipe, la NIKFI et LOMO travaillent à la mise au point de nouvelles caméras 70mm, très légères et mobiles (une Ari 765 avant l'heure). Tout le monde industriel travaille pour ce qui doit être la grande oeuvre du cinéma soviétique des années 60. Mais le film prend du retard, par son ampleur et par certaines limites techniques. Les caméras légères se révèlent délicates à mettre au point, cette fameuse pellicule SVEMA manque toujours autant de sensibilité, etc.. Le pouvoir politique change aussi en URSS et devient plus hostile au projet. Enfin, même pour un réalisateur de talent qu'est Bondartchouk, gérer un tel projet n'a rien de simple; il se dit que le film a utilisé plus de 100 000 personnes, soldats de l'armée rouge ou simples figurants. Donc du retard ! Sans aller trop vite dans l'histoire, le film sera divisé en quatre époques, la dernière ne sortira à Paris qu'en 1968 ! Alors en attendant la première époque, "Austerlitz", il faut remplir la salle vaille que vaille. Cet article sera assez court, avec des pavés publicitaires pour des films que beaucoup ont oublié. Souvent tournés en 70mm couleur, le Kinopanorama a passé également entre 1964 et 1966 des films en 35 scope ou pano. Je ne pense pas être exhaustif en vous donnant les titres, les dates de passage: on y passerait des heures et il y a eu, comme du temps du triple-écran, beaucoup d'alternances (2 films par semaine). La politique est toujours:
- Une matinée et deux soirées en semaine
- Deux matinées et deux soirées samedi, dimanche et - parfois - fêtes
Le prix des places restera longtemps bloqué "à partir de 5F"
1964
- Le 6 mai sort "
Les mois les plus longs"(Zhivye i myortvye) d'Alexandr Stopler, tiré du roman "les vivants et les morts" de Konstantin Simonov. C'est un film de guerre, sorti en VO en 35mm SovScope noir et blanc. Les autres détails sont dans ce
lien IMDB. A partir de fin mai 1964, il alterne avec le film des ballets du Kirov de Leningrad "
La belle au bois dormant" (Spyashchaya krasavitsa), en 70mm couleur VF,
dont les détails IMDB sont ici. Ce dernier titre sera repris en alternance dans de nombreux programmes, y compris l'année suivante. Pour celles et ceux qui aiment les films de ballets, c'est un modèle du genre, remarquablement filmé. En septembre jusqu'en décembre 1964 est présenté le "
Grand Ballet"(Sekret uspekha), où l'avant programme est "
Le petit chevreau de ma grand-mère". Le lien IMDB, avec erreur volontaire sur la date de sortie est
ici . En novembre 1964 passe, sur invitation, Hamlet de Grigori Kozintsev, primé à de multiples occasions (Prix Spécial du Festival de Venise 1964 et de San Sebastian 1965, Prix du Festival de San Francisco en 1966 et Prix de BAFTA [UK] en 1966). Le lien IMDB est
ici et le DVD est disponible chez Ruscico. Le Grand ballet poursuit sa carrière jusqu'en décembre 64 ou sort "
Je m'balade dans Moscou" (Ya shagayu po Moskve), très primé (Prix du meilleur opérateur de l’Union Soviétique 1964 attribué à Vadim Youssov, Prix spécial au festival de Cannes en 1964, Premier prix à Milan en 1964, Prix spécial à Rome en 1966) en VO 35mm . Voici son
lien IMDB.
1965
Pour ne pas faire trop long, les films présentés sont encore moins restés dans les mémoires. Certains sont des films de haute qualité, mais qui - même à cette époque - devaient toucher un public plus limité que les films précédents. Heureusement que les "comités d'Entreprises" étaient là pour faire vivre la salle. Je vais citer en vrac "Fureur"(Yarost)(VO), "Desna ... un Fleuve... une vie..."(VF), "Le croiseur Aurore"(VO), "La Bourrasque"(VF) en 70mm couleur. Pour le 35mm, nous avons des films comme le "Le piéton du Cosmos" (VO) en première partie de "Desna", "Don Quichotte"(Don Kikhot) en VF couleur de Grigori Kozintsev datant de 1957 ! Je vous livre en vrac quelques pavés.
Pendant cette même année, le début de "Guerre et Paix" est présenté, en juillet 1965, au Festival de Moscou où il reçoit le Grand Prix, puis au public soviétique. La première a lieu au magnifique cinéma "La Russie" de Moscou, en présence de l'équipe du film. L'accueil public et critique est pour le moins mitigé, dans un pays où la liberté d'information était quand même limitée. On dit que c'est trop long, qu'il y a des pertes par rapport à l’œuvre uvre de Léon Tolstoï, que l'on a privilégié le spectaculaire par rapport au contenu philosophique de l’ouvrage. On critique également la façon peu ordinaire qu'a Bondartchouk de filmer (effets psychédéliques multiples, travelings osés, plans volontairement mal cadrés horizontalement, remuants); bref du dogme avant le dogme. Il faut dire que le pouvoir en place en 1965 est beaucoup moins favorable au grand Sergueï Bondartchouk que ne l'étaient les gens de Nikita S.Khrouchtchev, démis en 1964; il y a du règlement de compte politique là dessous ! Mais le public russe va voir ce film évènement et ce sera un immense succès populaire en URSS et dans les blocs satellites. Le temps ayant passé, on le compare obligatoirement à la version américaine; même la majorité de citoyens vivants sur le continent de l'oncle Sam reconnaissent que la version soviétique est très largement supérieure à la leur. Donc, patience le film va bien finir par arriver à l'ouest ! Ce sera en 1966 !
A bientôt pour ce fameux "Guerre et Paix" !
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